samedi 31 octobre 2015

Rivière Moisie

D'emblée, cette rivière, elle porte très mal son nom: il n'y a rien qui moisit là-bas. On y a passé trois environ 3 semaines en août avec des copains. Environ 400km de descente.

Le canot de rivière est ce genre d'activité qui requiert peu de théorie, mais beaucoup d'expérience.

Faut seulement rester en équilibre.

Le soir aux campements, il peut y avoir tellement de mouches à chevreuil sous la tente que leur vrombrissement est à confondre avec le son des gouttes de pluie.

Il y a aussi les reliefs écorchés, brûlés, qui permettent d'entrevoir le caractère  de ce qui donne naissance à la rivière; ses cascades et qui laissent filer le vent. Conséquence des incendies de l'été 2013.





Les cîmes des arbres brûlées comme les mailles édentées d'une clôture barbelée. Les troncs, les faîtes exposés à blanc, come le fémur serait mis à nu, conséquence d'une écorce, d'une peau, calcinée.

Le vent qui souffle et transporte le crachin des nuages gris sur les eaux de la rivière.

On se croirait escortés sur le Styx, version boréale.

Oui bon pas toujours. Y a eu pas mal de soleil aussi.


Les amis gentils.

Lui, on l'a baptisé Chumz.

La flotte Esquif.

Y avait des soirs plus festifs que d'autres.

Et des rapides plus gros que d'autres.

vendredi 31 juillet 2015

On revient

Ce billet-là, c’est préférable de le lire seul.e. , le soir ou le matin ou peu importe mais dans un mode de réflexion. C’est un peu philosophique tu vois.

Athènes, 31 juillet 2015, 07:40 am.

Qu’est-ce qu’on ramène dans ses bagages après un voyage de cinq mois? Vous aurez compris que je parle métaphoriquement. Tout comme je parle métaphoriquement lorsque je me pose la question le soir en déambulant dans les rues, les sentiers, les falaises: «C’est quoi notre trajet?»

Il ne s’est certainement pas limité simplement à Nouvelle-Zélande, Thaïlande, Laos, Chine, Grèce.

Michel Onfray, dans son petit bouquin Théorie du Voyage, m’a donné quelques réponses. 

Comme j’ai plusieurs amis qui voyagent à notre façon, et pour préparer le retour, je me suis dit que ce serait une bonne idée de partager.

Premièrement, tout voyage commence dans une bibliothèque (1). C’est-à-dire que ce sont les récits, les poèmes, parce qu’ils stimulent l’imagination beaucoup plus intensément qu’une photo, qui nourrissent l’appétit du voyageur. 

Car qu’est-ce que Louise, la maman de Anne, a anecdotiquement offert à mon petit frère le premier jour où elle visitait la famille? Un recueil de poèmes. Robert Burns, écossais. Mon frère adore l’Écosse.

«Le vide du voyageur fabrique la vacuité du voyage; sa richesse produit son excellence. Donc les livres, et en premier lieu, l’atlas - bible du nomade»

Ensuite, le voyage débute au moment où l’on tourne la clé de la maison et le dos à la porte (2).

«Dans le détail du voyage, l’amitié (3) permet la découverte de soi et de l’autre. Avec lui (l’ami) s’expérimentent le partage, l’échange, le silence, la fatigue, le projet, la réalisation, le rire, la tension, la détente, l’émotion, la complicité. On vit sous ses yeux, au quotidien, dans des états d’esprit différents, multiples et contradictoires. Or la fatigue contribue à l’exacerbation des véritables natures. Marcher, cheminer, aller et venir, manger peu, mal, boire trop, ou pas assez, se lever tôt, se coucher tard pour profiter abondamment du lieu et des circonstances , toutes ces occasions mettent le corps dans un état second. Plus fragile, mais aussi plus sensible, écorché, l’émotion à fleur de peau, peaufiné comme un instrument extrêmement performant, le corps devient un sismographe hypersensible, donc, susceptible à l’excès. Dans cette logique où l’infinitésimal compte pour beaucoup, l’amitié se manifeste dans toute sa splendeur.»

Dans mon cas, il est nécessaire de remplacer l'amie par l'amoureuse.C’est pas toujours facile de voyager avec son amoureuse. En plus de vivre tout ce que décrit le dernier paragraphe, on partage le même lit tous les soirs, beau temps mauvais temps, bonne humeur mauvaise humeur, moustiques pas moustiques, humide pas humide et généralement dans un contexte hors de notre zone de confort - la jungle du Laos, la jungle de béton de Beijing.

L’amitié et l’amour se développent, et nos projets futurs prennent forme. 

Quand on voyage, on prend des notes (4) - hey, on écrit un blogue après tout. Qu'est-ce qu'on note dans un blogue? Qu'est-ce qu'on raconte? 

«On note dans le déroulement temporel et fluide du temps réel, ce qui dégage du sens et quintessencie le voyage».

Vous vous souvenez de la rue en Thaïlande? - les sens sont écorchés et on recherche la quintessence de ce qu’on est entrain de faire. Ce qui fait que parfois, on se retrouve à «tenter de toucher des sons, entendre des températures, voir des bruits». Les cigales me font entendre l'été de la Méditerranée, les moustiques la jungle du Laos. Lorsque je pense aux boulevards bondés des métropoles chinoises, je vois le bruit des klaxons - et je me souviens de la journée nationale sans klaxons. 

Un blogue c'est bien, délirer un peu sur un blogue aussi, mais il y a une limite au narcissisme: «On ne devient pas l’esclave des moyens de communication moderne au quotidien pour ne pas profiter de l’étranger. On exploite au contraire leur capacités magiques afin de partager l’aventure». 

L’écriture permet de conserver et de partager. Ces petits carnets qu’on rédige, vous ne croyez pas qu’on risque de les ressortir dans une décennie pour les montrer à des gamins - par exemple Anne à des élèves? Ou des ados (peut-être les nôtres) qui veulent voyager?

«Les trajets des voyageurs coïncident toujours, en secret, avec des quêtes initiatiques qui mettent en jeu l’identitié (5). Là encore le voyageur et le touriste se distinguent radicalement, s’opposent définitivement. L’un quête sans cesse et trouve parfois, l’autre ne cherche rien, et, par conséquent, n’obtient rien non plus.»

Cette quête de l'identité, ça me fait penser aux photos qui donnent le goût de tout laisser tomber. La photo qui te suggère l’évasion: l’île tropicale, le sable, la plage, les cocktails. Ton fil facebook a sûrement déjà essayé de te tenter avec ces promos-là. Moi, je ne voyage pas pour tout laisser tomber, pas encore.

Un voyage, ce n’est pas une évasion, une fuite vers l’avant. 

On ne voyage pas pour fuir - fuir vers l’avant car ultimement, on n’évite pas sa propre compagnie. «Ce que l’âme embarque au départ se retrouve à l’arrivée, décuplé: douleurs et blessures, ennuis et souffrances, peines et malheurs, tristesses et mélancolies s’amplifient dans le voyage. On ne guérit pas en faisant le tour du monde, au contraire, on exacerbe ses malaises, on creuse ses gouffres. Loin d’être une thérapie, le voyage définit une ontologie, un art de l’être, une poétique de soi. Partir pour se perdre augmente les risques, devenus considérables, de se retrouver face à soi».

En ce qui concerne la sculpture de l’identité: «Précisons-le, car toute la philosophie occidentale classique se fourvoie à ce propos, le moi n’est pas détestable. Ni vénérable, mais tout simplement considérable, au sens étymologique, à savoir digne de considération. Pas de haine de soi, ni de célébration de soi, mais juste une estime qui permet de travailler sur son être comme sur un objet étranger, sur une pierre informe attendant le moment du ciseau et l’heure du sculpteur». 

Parlons escalade alors puisqu'on parle identité après tout et que je me considère, entre autres, un grimpeur. Tout d'abord, une maxime (règle morale, terme choisi volontairement ici et qui n'est pas de moi mais il s'agit d'un souvenir que j'emporte, le fruit d'une rencontre très agréable) importante avant de commencer:

«It's only rock». - thanks TJ et je rajoute: «but it can be worth a good fight».

On sculpte sa volonté en grimpant vous savez. Considérez le fait que la roche est cet objet tout à fait immobile, qui ne se déplace donc pas mais qui, par sa simple prestance et sa stature, peut inciter en nous (le grimpeur) la plus profonde des motivations. Parfois, on se lève avant le coucher du soleil pour essayer de la surmonter - la roche. D'autres fois, c'est la ligne empruntée par le tracé, les failles, les petites prises, les mouvements que la conquête exigera qui font que des gens puissent puiser en eux la motivation nécessaire pour parvenir à bout de ce morceau sur des années. Il y a parfois quelque chose de profondément intimidant dans le fait d'observer une ligne, équipée depuis des lunes, mais dont l'absence de trace de magnésie pousse à croire que peu de gens s'y sont essayés, peut-être, on le suppose justement, parce que trop intimidés. Ou encore à observer une face blanche, lisse, impeccable et presque glissante - du moins à partir du sol - et se dire: «C'est possible peut-être?».

N'oublions pas non plus que l'escalade est l'un de ces sports où le mouvement provient de la volonté stricte et seule du grimpeur: pas de vent pour pousser le voilier, pas de télésiège pour arriver en haut, pas de vague pour créer le mouvement, pas de pente pour la descente non plus. Pas d'accélération, pas de vitesse créée par les lois de la physique. Non quand tu grimpes, chacun des mouvements que tu fais, tu l'as fait parce que tu le voulais et non pas parce que, strictement parlant, les éléments t'y ont indubitablement poussé. 

Ce qui donne un tout autre sens à la chute que tu fais lorsque ton doigt lâche parce que trop exténué ou que ton pied glisse parce que pas assez bien placé: oui, chacun des mouvements.

Nobody pushed you up there. But still, it's only rock.

Bref, il y a une profonde différence entre descendre une rivière ou rouler sur la route et grimper une paroi.

Par contre, il ne faut pas transformer cette sculpture de soi en punition, en chemin de croix. Onfray prévient contre les voyages des sportifs en mal de performance, qui accumulent les expéditions sous des conditions extrêmes - axées selon lui sur la haine de soi. 

Ici, je ne suis pas d’accord, et, me basant sur des expériences personnelles, je dirais même que, à l’intérieur de certaines bornes (extrêmes pour certains, variables pour tous), il est même essentiel de se punir légèrement en voyage. J’emploie ici punition au même sens que sortir de la zone de confort. Car il est vrai que les deux ne sont pas nécessairement équivalents. Grimper pendant cinq mois est certainement, après un certain temps, une punition pour le corps et la motivation. Les muscles sont tendus, les doigts, les tendons, les épaules, le dos, les cuisses les chevilles font mal et l’esprit parvient plus difficilement à prendre du recul. Cependant, j’ai l’impression qu’au retour, mon sentiment d’accomplissement sera décuplé et que j’aurai un plaisir renouvelé à retourner grimper en salle.

Ceci dit, il a bien raison en mentionnant que «la plupart du temps, un voyage de performance cache mal les intentions masochistes d’une âme en peine - ou plutôt d’un inconscient en souffrance».

Car ce qui est important du voyage, c'est qu'il «donne un contenu tangible à la diététique des plaisirs et permet la confusion de l’éthique et de l’esthétique».

«On ne voyage pas pour se guérir de soi, mais pour s’aguerrir (6), se fortifier, se sentir et se savoir plus finement. À l’étranger, jamais on n’est un étranger pour soi, mais toujours le plus intime, le plus pressant, le plus accolé à son ombre. Face à soi, plus que jamais contraint à se regarder, sinon à se voir, on plonge plus profondément vers son centre de gravité tant l’autre nous manque pour nous distraire de notre présence forcée. La destination d’un voyage ne cesse de coïncider avec le noyau infracassable de l’être et de l’identité».’

«Les philosophes de l’Antiquité grecque savaient la fonction formatrice du déplacement. Tous ont sillonné le bassin méditerranéen, quitté l’Europe pour l’Afrique, voyagé ver le Proche-Orient, puis vers l’Extrême-Orient: la Libye, puis l’Égypte, la Mésopotamie puis la Chine, voire l’Inde. La Grèce, matrice de notre continent européen, puise dans cette eau de la Méditerranée sur laquelle ont été rapportés vers Athènes l’astronomie, les mathématiques, la philosophie, le commerce, la poésie, la géographie, la géométrie, l’architecture et le monothéisme».

Je me dis qu'il y a une certaine ironie à justement terminer ce voyage en Grèce - peut-être seulement si on apprécie la philosophie des grecs.

Rentrer vers, c’est aussi revenir de (7).

Parlant de Grèce, pour Onfray, «il n'y pas de voyage sans retrouvailles avec Ithaque qui donne un sens même au déplacement». C’est Ulysse chum. À un moment donné, tu reviens. Ce n'est pas un voyage s'il n'y a pas de retour - sauf peut-être pour la mort. Et faut se préparer à revenir, car c'est pénible.

«Le domicile signale le lieu où les risques sont les moindres et où se posent à terre les armes, les bagages, ce qui encombre en temps normal. Les lois de l’hospitalité le disent: sous un toit, on doit la protection. Après le voyage, le mouvement, l’effervescence, le retour à la maison autorise la récupération des forces et des énergies dépensées. Il entrave l’hystérie du mouvement qui sinon, induirait une giration sans fin - car sans arraisonnement du corps, il faut craindre l’égarement définitif de l’âme. Le lieu quitté puis retrouvé donne l’axe sur lequel oscille l’aiguille de la boussole. Le vide de sensations et le plein d’hypothèses du départ laissent place au plein de sensations et au vide des hypothèses: on a vu, senti, goûté, touché, on a expérimenté le contact d’un réel bruissant et brillant de tous ses feux - dans le retour triomphent le désordre, le chaos, l’ivresse, l’abondance. On expérimente la confusion et le mélange de sensations, puis l’incohérence des perceptions».

Anne et moi revenons ensemble, et éliront, fonderont, construiront, un domicile ensemble. À quoi bon voyager si ce n'est pour cueillir, recueillir, les éléments - chaleureux, évocateurs, paisibles - dont nous voudrons meubler notre maison?

Dans la fatigue du retour se préparent les synthèses à venir (8).

Ce serait les nuits qui permettent d’absorber le voyage. «Couleurs, parfums, sons, mots, images, paysages, odeurs, émotions, tout entre en collision dans l’espace mental des nuits profondes - car les clartés diurnes se nourrissent sans discontinuer des éblouissements nocturnes».

Les arômes du thé au jasmin lors des matinées embrumées dans la vallée du Gêtù, l'odeur des rues de Chiang Mai en Thailande, la circulation dense dans les sinueuses rues marchandes de Hong Kong et de Yangshuo. La couleur de la roche à Kalymnos, les journées pluvieuses et humides de Yangshuo, la grotte des réfugiés, je vais revoir tout ça, et bien plus encore, en rêve.

Dans le retour d’un voyage à deux, une période de comparaisons (9). 

Même s’il est difficile, voir impossible, de prendre une certaine distance par rapport à l’autre en voyage, il n’en reste pas moins que nous avons fait tous les deux un voyage bien différent. Nous n’avons pas les mêmes souvenirs vivaces. S’ensuivra une longue période de soupers, et de rencontres avec les amis et la famille qui auront droit à leurs doses de la phrase qui commencera par «Tu te souviens de telle place ma blonde?», ou encore «Tu te rappeles à?». Chose certaine, on aura beaucoup d’histoires à raconter!

Puis on changera, parfois comme le personnage d’un roman, comme Marcello Tricotin dans Même le mal se fait bien tiens. Plus audacieux, plus fou, ou peut-être plus aguerri peut-être?

Car voyager toujours au même endroit, ou ne pas revenir, c’est un peu comme consulter toujours le même livre et oublier l’étendue de la bibliothèque.

Pour Anne, c'est le retour, l'apprivoisement d'un nouveau chez elle, le retour en classe pour bientôt.

Mais pour moi, ce n'est pas tout à fait terminé. Oui car un voyage ne se termine pas sans un peu de canot sur les rivières du Québec! Alors j'atterris ce soir, échange la corde pour une pagaie et c'est reparti. La rivière Moisie, du 5 au 26 août. À bientôt!

Onfray, M. 2007. Théorie du Voyage. Le Livre de Poche.

jeudi 30 juillet 2015

Les olives, les oliviers et la mer Méditerranée

«N'allez ps à Kalymnos l'été. C'est beaucoup trop chaud, ça grimpe pas, bla bla bla.»

C'est pas vrai. N'écoutez pas les murmures, les rumeurs dont la dissipation semble se nourrir dans les sacs de puff, que vous entendez au gym d'escalade. Demandez à ceux qui y sont allés. La grimpe à Kalymnos, c'est à l'année longue et si les conditions d'été sont les pires, le reste de l'année, ça doit être démentiel parce qu'ici la qualité de la roche est excellente.

D'abord, il y a le meltemi, le vent du nord soufflé par Zeus pour rafraîchir les îles grecques - selon la légende - se charge de votre confort aux parois. S'il est de la partie, z'êtes assurés de trouver ça très plaisant.

La grimpe se fait sur des voies sportives magnifiquement longues (35 à 40m. J'en ai même envoyé une de 50m) et splendidement exposées - un petit repos en adhérence sur la colonnette à 36m avant d'attaquer le crux? Oui par ici merci.

Parfois on grimpe près de la mer et c'est l'écrasement des vagues contre les falaises qui nous accompagne quand on essaie d'enchaîner le projet de la journée. Il y a un aspect à ce rythme des eaux qui rend la concentration plus absorbante, le moment plus intense, la respiration plus profonde, la grimpe plus vraie.

L'environnement est paradisiaque: on se dirige à la piscine ou dans la Méditerranée en passant sous les oliviers lorsque la grimpe se termine. On se cuisine ensuite un bon souper avec les aliments de saison: le fromage de chèvre, le thym (qui pousse au pied des parois et en grande quantité), les tomates (grosses, rouges, délicieuses), l'huile d'olive évidemment et les pâtes. Les fruits sont frais, juteux. Les gens sourient, sont accueillants. On a vu le soleil à tous les jours - l'observer se coucher est devenu un rituel. Les étoiles scintillent, on voit le Dragon et Hercules. Le réveil n'est pas difficile le lendemain.

Je laisse les photos dire le reste.

Le panorama depuis la Grande Grotta.

Je me cache quelque part dans cette mer de calcaire.

Le miel local de Kalymnos. Célèbre car les abeilles se nourrissent de thym et que le miel qu'elles produisent ensuite en dégage des arômes. C'est un petit délice. On en ramène pas mal!

En veux-tu de la roche texturée - comme on dit dans le jargon - en v'là! Anne Chouinard semble hésiter entre un knee-bar, un layback, ou juste carrément s'appuyer sur la stalactite.

Le rituel dont il est difficile de se lasser.




lundi 13 juillet 2015

La fois où j'ai compris que le chinois, c'était pas vraiment du chinois


Vous connaissez la comparaison qu'on utilise 'c'est du chinois' pour décrire quelque chose qu'on trouve à prime abord incompréhensible? Et bien laissez-moi vous raconter la fois où je me suis rendu compte que d'essayer de comprendre le chinois, c'est peut-être pas nécessairement si chinois (du moins dans un terminal d'autobus).

À Guiyang + j'ai comtpé 27 grues mécaniques qui s'affairaient dans le ciel de Guiyang +, Anne et Jean-David s'en vont prendre l'autobus.

À Guiyang, il y a deux terminus d'autobus. Celui d'où on est parti pour Ziyun, il était grand comme la Place Laurier. J'exagère à peine: il y a environ 70 quais d'embarquement et autant sinon plus de comptoirs de service à la billetterie. Ces petits commentaires sont là pour vous impressionner: Guiyang est une des villes principales de la province de Guizhou, une des plus sinon la plus pauvre de Chine. Et y a 27 grues mécaniques et un terminal avec 70 quais. Juste essayer d'illustrer le fait que la Chine est un pays en ébullition et qui sème le béton et l'infrastructure comme on sème la discorde dans une cuisine de Québec en criant «Vive Montréal!» ou encore «Vive le Festival de Jazz!» devant les fans du FEQ.

Alors on arrive là clopinclopant avec notre cargaison (on transporte au bas mot une cinquantaine de kilos à deux). Anne parvient à acheter les billets au comptoir en écrivant «Ziyun», «for 2», après avoir fait la file deux fois et s'être fait coupée - mais alors complètement - par une chinoise qui comme l'entièreté des chinois il semblerait, ignore le concept du «t'es en ligne, t'attends ton tour». La préposée sourit et lui donne deux billets. Elle dirige Anne avec un geste de la main vers la gauche. Sauf que le terminal est tellement grand que j'ai l'impression que c'est comme si elle venait de nous dire que la tour Eiffel, «c'est par là Monsieur - tournez à gauche et continuez encore pendant quelques milliers de kilomètres», en omettant de mentionner le nombre de frontières à traverser.

Donc on part à gauche. On arrive à une barrière - première frontière - dont l'érection horizontale est meublée au bout par la présence d'un pseudo garde de sécurité, pseudo entre autre parce que les deux yeux plongés et sur le bord de se noyer, dans son bol de nouilles. On comprend que, un peu comme à l'aéroport, c'est l'endroit où on contrôle les bagages (ouais parce qu'ils font ça aussi dans les terminus de bus): passé ça, tu retournes plus en arrière chose. On montre le billet au préposé pour valider qu'on est bien du bon côté. Oui parce que voyez-vous, le terminal est agencé de manière symétrique par rapport à l'axe allant de l'entrée principale aux comptoirs de service (en face). À gauche et à droite, il y a une barrière. À gauche (donc à notre droite parce qu'on revient du comptoir), ce sont les portes 1 à 35. À droite (donc à notre gauche - ciboulot, mélangeant la symétrie), les portes 36 à 70. Comprendre ici la notion voulant que si tu te retrouves du côté des portes 1 à 35 mais qu'en vérité tu devrais être du côté des portes 36 à 70, revenir en arrière implique quelques montées et descentes désagréables sur la montagne russe de la palette émotive qui commencent - les montées et descentes - par le 'Ah shit j'eul savais on aurait dû aller l'autre bord' (l'évidence - ou le déni ça dépend), pour ensuite tremper dans le doute 'Ah ouin t'es sûr.e?', l'inconfort causé par la cargaison qui se fait de plus en plus lourde au niveau de la clavicule gauche (je suis gaucher) puis presque finalement l'impatience et c'est à ce moment que tu coupes tout sinon ton couple en souffre et c'est pas bien et on part six mois et faut faire attention parce que c'est vraiment important la communication la patience prendre le temps de bien communiquer les choses tout ça - surtout si tu es pressé. Ouais parce que pour densifier le texte encore un peu plus, faut dire qu'on était sur un horaire plutôt serré, voir stressant voir en vérité plutôt inconnu outre la dimension dictée par l'étiolement des minutes qui deviennent des secondes de moins en moins vivaces, ce qui le rendait d'autant plus stressant - l'horaire. 

Bref.

Donc alors on se retrouve du côté des portes 36 à 70. C'est-à-dire environ la moitié de la Place Laurier d'où il s'ensuit que les toilettes sont obligatoirement au fond - tel que sûrement conçu brillamment par l'architecte chinois de service, sans doute champion au tetris mais pas capable de placer une barre à la verticale pour que ça prenne moins de place - le plus loin qu'il était possible de les installer du poste de contrôle des bagages. Alors on déplace notre arsenal jusqu'à la moitié de la dite Place Laurier, le plus près des quais puisque logiquement, avec tous les déplacements futurs (aléatoires par hypothèse puisqu'on ne sait pas trop où on s'en va) qui s'ensuivront, c'est mathématiquement l'endroit d'où on fera le moins de pas (en moyenne - mais on espère qu'il y en aura pas plus d'un - déplacement). Laisse tomber les bagages. Repérage. Toilettes au fond, dépanneurs derrière, bancs au milieu, horloge géante devant nous, quais d'embarquement à notre gauche. Une, sinon deux, centaines de chinois qui ont tous l'air pas mal moins désorientés que nous mais dont les expressions en nous apercevant semblent tout à fait binaires: c'est-à-dire que le visage trahit une attitude de totale indifférence, le 0, ou un regard plutôt ébété du genre «mais qu'est-ce que ces Occidentaux foutent ici? As-tu vu leur bagages?! Woah shit une rousse!» , le un

Je regarde mon billet pour la première fois, je lève les yeux vers les quais d'embarquement. Je regarde mon billet pour la seconde fois, je lève à nouveau les yeux vers les quais d'embarquement. Pour un esprit cartésien à ses heures comme le mien, léger embêtement de nature GPS-tique ici et mes synapses et neuronnes s'empresseront d'électrifier la grille de mon compas interne: bien qu'Anne ait pris la peine d'écrire 'Ziyun' - en pinyin - sur le billet.

Oui bon avant de continuer on va couper ça sec et faire un petit détour et régler le cas du pinyin tout de suite.

Détour elliptique 1: Le pinyin, c'est le mandarin écrit en latin - sommairement. L'idée c'est d'utiliser un ensemble fini de symboles (l'alphabet latin) pour traduire les caractères mandarins (ou cantonnais). Vous verrez un des avantages de la chose plus loin. L'autre truc qu'il faut savoir, c'est que le pinyin, à la base, permet d'apprivoiser avec plus de facilité les caprices phonétiques du mandarin. Par exemple, tu prononces les q comme «ts», les j comme «dj» - comme Beidjing mettons - , les z comme «dz» , les xi comme «shi», et c'est sans compter les accents. Un de ceux avec lequel je me suis familiarisé: «Ceqikou» se prononce «ce» - «si» - «kow». Avec le i qui descend. Alors, Ziyun en pinyin, ça s'écrit Zîyùn et ça se prononce certainement pas comme tu le penses avant de l'avoir entendu au moins une fois.

Un bixi. Il s'agit d'une bête mythique - comme Cerbère. Une tête de dragon et un corps de tortue. Un dragon tortue. Bien sûr, pour ruiner la blague qu'il y avait à faire avec les bixis qu'on peut louer dans les grandes villes, il a fallu que je me rappelle qu'on prononce bi-shi.


Donc fin de l'ellipse 1 et retour au billet (de bus, pas le billet du blogue - enfin si mais, substantiellement parlant t'es dans le billet du blogue depuis le début lecteur). Prendre note qu'à ce moment, ça fait un bon cinq minutes que je suis debout devant les quais et que je n'ai absolument pas bougé - et qu'une combinaison des mots absorbé et dérangé est insuffisante pour décrire mon état.

Anne a donc donné les instructions en pinyin mais les indications sur notre billet sont écrites, de moins l'infini jusqu'à plus l'infini sur l'ensemble des réels, en mandarin. Ici une autre ellipse s'impose avant de passer à autre chose.

Détour elliptique 2: Bien humblement, je suis capable de m'avancer et dire que le mandarin, c'est pas exactement une langue plutôt qu'un ensemble de dialects qui se ressemblent suffisamment (sauf pour un puriste j'imagine) pour appartenir au même groupe. C'est peut-être un peu comme dire que le québécois du Lac, le québécois de l'Abitibi et le québécois de la Gaspésie sont pas pareils - c'est vrai phonétiquement du moins. D'ailleurs, c'est parfois difficile d'identifier ce que le 'mandarin' identifie vraiment. Pour certains, c'est l'ensemble des dialects parlés en Chine du Nord et pour d'autres, c'est l'appellation pour le «Chinois standard» - la langue commune (https://en.wikipedia.org/wiki/Standard_Chinese). 

Il y aussi le fait que le mandarin diffère fondamentalement de notre langue (à souche latine - je m'improviserai pas linguiste mais j'accueille les précisions) sur ce point: notre langue utilise des caractères qui à la base ne veulent rien dire (les lettres) mais qui, lorsqu'agencées ensemble, peuvent créer un mot qui lui, a du sens. 

Par exemple, on peut agencer «e», «a» et «u» de 27 façons différentes pour créer un mot de 3 lettres mais une combinaison seulement aura du sens pour représenter le liquide essentiel à la vie:  «eau». En mandarin, il n'existe pas de 'lettres' et le symbole pour «eau» est tout simplement:


C'est que parfois, un symbole, à lui seul, peut avoir du sens, ce qui n'est pas le cas avec notre alphabet. Il y a aussi le fait que le mandarin n'est pas basé sur le 'son' tant que sur un symbole (ayant déjà du sens) et que ces symboles sont nombreux. Par exemple, il faudrait la connaissance d'environ 200 à 300 caractères (symboles) pour pouvoir lire le journal en mandarin (le même journal écrit en anglais exigerait la connaissance de seulement 26 caractères quand on y pense) et pour les textes plus académiques, classiques disons, ça pourrait aller jusqu'à 4000 (Semi-détour  elliptique 2.1 ici: vous vous souvenez de la passe du pinyin qui utilisait un ensemble de caractères fini? Ouais bon l'utilité c'est entre autre parce que ce serait long en ciboulot de texter dans un univers de 4000 caractères donc soit on passe par le pinyin ou par un ensemble restreint de caractères sur les claviers mandarins + téléphones intelligents inclus + ce qui incidemment explique aussi pourquoi en quatre jours de déplacements par métro à Beijing, j'ai bien dû croiser au plus le regard de deux ou trois spécimens dont l'angle d'inclinaison cervical ainsi que l'indéniable croisement de leurs iris avec les miens trahissaient le fait que contrairement à la centaine d'autres spécimens présents, eux n'étaient vraisemblablement pas absorbés par le défi tactil que représente le fait de texter entre et pendant les arrêts dudit wagon dudit métro - ceci expliquant limpidement cela). Fin du détour semi-elliptique 2.1

Et puis, si vous êtes un scientifique versé dans le domaine de l'intelligence artificielle, il y a tout le défi que représente la modélisation du langage et le fait d'essayer d'impartir à une machine le sens des symboles sans les particules élémentaires qui à la base, ne veulent rien dire. Sans compter qu'avec l'alphabet latin et «notre» langue, il y a un isomorphisme direct entre le son produit et l'écriture dudit son. N'est-ce pas là paradoxal d'ailleurs que les éléments de base de notre langue ne veulent rien dire à eux seuls, mais qu'en les combinant, on parvient à créer des entités appelées «mots» ayant du sens?! (Considérez d'ailleurs le fait que chacune des lettres que j'ai tapées depuis la rédaction de ce texte ne veulent rien dire lorsque prises individuellement mais pourtant vous êtes capable de donner un sens à mon texte.) Je vous épargne le fait que les mots se combinent pour former des phrases, et les phrases des textes comme des billets de blogue mettons. Mais là ça prendrait un détour de nature plus qu'elliptique 3 pour explorer tout ça. Lecteur.rice, je te dirige vers Godel, Escher, Bach.

Alors on revient au fait que je me tiens debout dans le terminal à Guiyang par un après-midi humide de juin, en essayant tant bien que mal de vérifier si on est du côté des «bons» quais - 36 à 70 - mais que je viens de constater que les indications sont écrites en mandarin et que ma connaissance du mandarin se situe au même niveau que celle des grecs pour les nombres complexes dans l'Antiquité: nulle.

Tout ce que je sais, et qui peut m'être utile, c'est qu'on est à Guiyang et qu'on s'en va à Ziyun, que j'aime les maths et que j'ai lu Sherlock Holmes. Oui madame, les maths et Sherlock Holmes ça peut être utile.

Donc, esprit analytique que je suis à mes heures, je me mets à procéder par déduction. Oui parce que vous voyez, je veux m'assurer qu'on se retrouve à la bonne porte, dans le bon bus. Ceci dans le but avoué de pouvoir faire une entorse à la palette émotive en montagne russe mentionnée plus haut. On appelle ça choisir ses batailles et Sun Tsu relate dans L'Art de la Guerre que toute bataille est remportée avant d'être menée. Fack-que-euh j'analyse.

Donc, axiome 1 (ouais bon techniquement c'est pas tout à fait un axiome je sais): l'information + c'est-à-dire l'agencement des caractères dont je ne comprends absolument rien + qui se retrouve sur mon billet c'est comme un genre (même les esprits analytiques aiment la redondance) de clé de décryptage, mettons. Et, axiome 2: je dois utiliser l'information qui se retrouve dans le terminus, c'est-à-dire l'agencement de caractères semblables dont je ne comprends absolument rien non plus qui se situe sur les murs, au-dessus des portes, sur mon bol de nouilles insta, sur les bus, les panneaux, les t-shirts, les journaux, les kiosques, les bagages, les documents qui se retrouvent dans l'univers des choses que mes yeux peuvent percevoir et mon cerveau analyser bref - on exclut le pseudo garde de sécurité qui sommeille à la barrière - lui, yé dans l'champ gauche avec pas de mitt depuis ving minutes, et les associer avec l'information qui se retrouve sur mon billet pour, en quelque sorte, la décrypter. Simple. Suffit de regarder chose. Par exemple, sur mon billet se trouve ce symbole:


Non regarde le billet d'en haut - sur la photo d'en-bas (...).

Oui c'est ça. Tu vois la petite flèche?

C'est ça. Du point A vers le point B.

Déduction aidante, le fait que la flèche me pousse à croire (intuition) que ce qui se trouve à gauche, c'est le point A et ce qui se trouve à droite, c'est le point B. Or, le point A, le point de départ, c'est Guiyang, donc la traduction de Guiyang du pinyin vers le mandarin,  ça doit être (déduction)...ouais c'est ça:


贵阳.


Bingo. Maintenant vérifions. Je me lève le nez du billet et constate que le symbole pour Guiyang est présent sur toutes, mais alors toutes (bon ok, strictement parlant, pas toutes, juste celles que je peux voir), les autobus présents sur les quais. Ce qui indique que tout ce beau monde part de Guiyang (confirmation).

Et si le symbole du point B représente la destination -  Ziyun - en mandarin(紫云), je n'ai plus qu'à trouver ce seul symbole dans le terminus (préférablement sur le dessus d'une porte d'embarquement, ou mieux, sur un bus)! Après avoir répéré ce symbole au-dessus de la porte 67, l'exclamation tout à fait naturelle qui m'est venue, au beau milieu du terminal est:


Juste pour ma coloc. Aussi pour remplacer Archimèdes et eureka.

Et...et...la leçon à retenir est que j'adore le fait que résoudre ce genre de puzzle m'allume encore. Je suis retourné en sautillant, tout excité, vers Anne qui souriait en voyant ma p'tite tronche de gamin. Je m'asseois.

 «Sais-tu quoi ma blonde?

- Non quoi mon amour?

Je suis capable de te dire quelle porte on doit prendre.»

J'étais pas peu fier de mon travail j'vous dis. Donc le bus est arrivé, à l'heure, à la bonne porte et on s'est embarqués pour Ziyun. À Ziyun, on a acheté nos billets pour Getu et j'ai refait le même exercice.

Anne s'est retournée et m'a donné ce regard qui voulait dire: «Es-tu sûr qu'on est à la bonne place?»

Pas de problème ma blonde, je le sais où ce bus s'en va. Ou peut-être que c'était juste un regard qui voulait dire: «Dis-moi mon p'tit geek, le sais-tu où on s'en va?»

Anne est prof après tout. Avec les années, une chose que j'ai remarquée, c'est qu'ils (elles) développent (les profs) la qualité de donner une occasion de parler à celui qui veut vous montrer qu'il a appris quelque chose.

Je pense que c'est ce qu'elle faisait.

Au resto de Getu, je voulais dire à la proprio (tsé celle avec le poulet là...) que la bouffe était délicieuse. Pas de problème, je suis prêt - j'veux dire, j'suis capable de m'orienter dans un terminus de bus en Chine - après ça, la prochaine conquête logique, c'est la tour de Babel, rien de moins.

There's an app for that comme y disent. Alors je m'allonge un soir avec le téléphone - on est d'même moi et le téléphone - et l'application de traduction de Google. Traduction vocale en plus si t'as les internets chose. Alors comment on dit delicious?

Réponse: 美味. Et ça se prononce comment? Réponse: meiwèi. Sweet. Je vire les choses de côté, je prononce delicious en mandarin et, hop, de l'autre côté sort la traduction exacte en anglais. Good.

Mon accentuation est bonne.

Puis j'ai demandé à la même application comment on disait How much. Eh boy.

Je gardel'histoire pour une soirée autour de la table avec les amis.

Conclusion cependant: ce texte - et surtout sa structure - n'étaient en fait qu'une métaphore pour vous illustrer le mur de difficulté qui se dresse devant un étranger qui veut s'enseigner le mandarin et l'échelle de motivation dont quelqu'un doit se munir pour le gravir - que ce soit avec un billet de bus ou une application Android.

(p.s. Aussi, ce texte d'une densité édifiante et assez volontaire a été écrit dans le seul but - enfin pas complètement mais presque si vous revenez en arrière - de taquiner, et mettre à l'épreuve, une certaine Sarah-Jeanne Giroux qui s'est vantée, le soir dans un bar avant notre départ, d'avoir l'habitude de lire tous les articles, au complet, des blogues qu'elle consulte/tait. Bonne lecture vous! ;-))

(p.p.s Si vous connaissez plus d'une Sarah-Jeanne, ce qui est possible puisqu'elle et moi appartenons à la génération «nom composé s'tune bonne idée», il s'agit, pour vous permettre de la distinguer des autres, de la sympathique aventurière/canotière avec des talents de photoshop phénoménaux.)

J'ai dit.






samedi 11 juillet 2015

Le Grand Mur


Le Grand Mur de Chine, tout le monde le connaît. Même les extra-terrestres peuvent le voir de l'espace. Il a entre autre servi à repousser les redoutables cavaleries mongoles venues du Nord.

Mais lorsque des grimpeurs s'en vont visiter le Grand Mur, ça donne ça:


Si tu top-out, c'est V1.

Version départ dyamique.

Version départ statique. Les escaliers, c'est pour les touristes.


Puis c'est là que le fun s'est arrêté.

Au sommet de cette crête se cache a) une courbe qui va à gauche et qui t'amène vers la tour ou b) c'est l'entrée du Ciel ou c) c'est l'entrée VIP pour un show live de Led Zeppelin qui joue Stairway to Heaven

Et puis finalement, je vais laisser Paul Claudel parler du Grand Mur. Sa prose est meilleure que la mienne.

'De même qu'un paysage n'est pas constitué par de l'herbe et par la couleur des feuillages, mais par ses lignes et le mouvement de ses terrains, les Chinois construisent leurs jardins à la lettre, avec des pierres. Ils sculptent au lieu de peindre.' - P.Claudel, Connaissances de l'Est
'Le mur serpente et ondule, et sa crête, avec son arrangement de briques et de tuiles à jour, imite le dos et le corps d'un dragon qui rampe; une fan, dans un flot de fumées qui boucle, de tête le termine.' - P.Claudel, Connaissances de l'Est

'Par la variété de ses plans et de ses aspects, la pierre leur a semblé plus docile et plus propre que le végétal, réduit à son rôle naturel de décoration et d'ornement, à créer le site humain. La nature elle-même a préparé les matériaux, suivant que la main du temps, la gelée, la pluie, use, travaille la roche, la fore, l'entaille, la fouille d'un doigt profond.' - P.Claudel, Connaissances de l'Est.

Pas de chats sur le Mur, alors on a fait des photos quétaines à la place.




jeudi 9 juillet 2015

Au musée national de Chine, j'ai vu...


Au musée national de Chine (ça été ma visite préférée à Beijing), j'ai passé beaucoup de temps à étudier ce petit objet:




Il s'agit d'une boussole (https://en.wikipedia.org/wiki/South-pointing_chariot). Mais pas n'importe laquelle.

C'est que vous voyez, elle a été mise au point il y a pas mal longtemps (je soupçonne même avant 'nos' boussoles) et en plus, elle n'utilise même pas le nord magnétique pour diriger son utilisateur.

Elle pointe plutôt au sud et c'est un ingénieux mécanisme qui fait que, lorsque placé sur une surface plane, le petit bonhomme pointe toujours vers le sud. Bon alors oui, le mécanisme n'est pas des plus précis et il s'avère qu'après plusieurs déplacements, la boussole perd un peu le nord (le sud) comme dirait l'autre.

Il s'agit néanmoins d'un des premiers, sinon le premier, modèle de 'differential gear' - ce système étant utilisé encore aujourd'hui (quoique plus sophistiqué bien entendu) dans la conception des véhicules. Il permet de maintenir une traction stable en allouant la stabilisation (la moyenne) de la vélocité angulaire de deux roues lors d'un virage - puisque la roue externe fera plus de rotations (car plus longue distance à couvrir) que la roue interne. De quoi intéresser un ingénieur mécanique ou p'tit gamin fan de voitures.

La période où ce petit objet fut inventé est connue en Chine sous l'appellation des Trois Royaumes (AD 220-280). D'ailleurs, il existe un livre fascinant (vulgairement, un genre d'Iliade et d'Odyssée) qui romance cette période où la Chine était divisée en trois 'empires'. Les équivalents d'Achille, Hector, Pâris, Ulysse et compagnie s'y retrouvent - le courageux Liu Bei (l'équivalent d'Hector), l'ambitieux Cao Cao (Agamemnon) et l'astucieux Zhuge Liang (peut-être un croisement entre Ulysse et Archimède) et plusieurs autres. C'est un livre imposant par contre: 120 chapitres. J'aime autant vous prévenir si vous voulez aborder sa lecture.

C'est d'ailleurs à ce dernier (Zhuge Liang) que l'on doit l'invention de l'arbalète à plusieurs flèches explosives (oui parce que les chinois ont découvert la poudre à canon bien avant les arabes) - l'ancêtre du gatling gun!

Les premières fusées - on attachait en bouquet des flèches équipées d'explosifs.

La rampe.

Les arabes qui se sont inspirés des chinois.

Zhuge Liang aurait aussi écrit un traité sur l'art de la guerre - un peu à la manière de Sun Tsu (j'ai aussi vu Sun Tzu, Sun Tzi...).

On a aussi visité la Cité Interdite. C'était un peu plate - et bondé de monde. Je vais ré-écouter Le Dernier Empereur à la place.

samedi 4 juillet 2015

Getu He et Kung Fu Grandpa!

Mon ami aux parois. Il était très sympathique. Je l'ai surnommé Kung Fu Grandpa! Il avait une canne gossé avec des retailles de tuyau en pvc et m'a montré ds photos de Wolverine sur son téléphone quand il m'a vu grimper. ''Doit être la barbe'' me suis dis...

Pour les néophytes: en 2011 la compagnie Petzl a aménagé un site d'escalade enchanteur à proximité du parc national de Getu. La roche est sensationnelle (du beau calcaire pas trop poli), les longueurs sont parfaites pour des voies soutenues et exigeantes (35-40m), les inclinaisons aussi enfin bref, tous les éléments sont là. Sans parler de l'Arche. Ou plutôt LES arches de Getu.

Je vais laisser le vidéo du RocTrip faire le reste:



Anne et moi y avons passé une semaine et voici le compte rendu.

Départ de Yangshuo pour Guilin: 1 heure de transport. Dodo à Guilin. De Guilin, départ le matin en train pour Guiyang. De la station de train de Guiyang, transfert vers la station d'autobus où j'ai compris que j'étais capable, avec un  peu de raisonnements et de déductions, de comprendre le mandarin (pour les détails de l'épiphanie, ce sera au prochain billet). Du terminal de bus de Guiyang, parcours de une heure vers Ziyun où là, on commence vraiment à pénétrer dans la campagne chinoise: les routes poussérieuses de terre et de roches, les hautes herbes qui envahissent les bordures, les lampions accrochés aux fenêtres, les poules qui déambulent du champ à la cour à la cuisine (quoique la cuisine, je ne crois pas qu'elles la fréquentent par choix), les vignobles mêmes (!).

Et c'est à ce moment que bien des choses ont vraiment commencées...

D'abord, Ziyun, y a pas un occidental qui y va. Sauf...oui c'est ça, sauf les grimpeurs qui y transitent pour aller à Getu. On débarque du bus et c'est automatique: les locaux le savent que nos duffle bags contiennent harnais, corde et dégaines. Ils nous regardent, nous pointent la billetterie et nous disent: 'Getu?' avec le sourire chaleureux et édenté qui vient avec.

Getu He (et son atmosphère), c'est le village montagnard de Soul Mountain: le Vieux qui arpente la rue du village avec ses habits du Parti, qui sont propres et repassés. Le voile de brume qui s'arrache à la crête des montagnes le matin après le passage de l'orage. La rivière gonflée par l'écoulement des eaux vers son lit. La rivière où les femmes, dans Soul Mountain, vont se jeter pour mettre fin à leur vie - je crois que les contes chinois ont développé la tragédie avant les grecs peut-être?

Ils sont pleins de folklore, de contes, de légendes, de croyances, de coutumes différentes les villages de Chine. C'est taoiste, bouddhiste, communiste, name it.

Plus tangiblement parlant maintenant.

À Getu, il y a une rue, un dépanneur, une école et un resto. En se rendant vers celui-ci, on peut contempler les rizières et les villageois qui y bèchent jusqu'au coucher du soleil ou presque. Honnêtement, connaissez-vous un fermier/cultivateur/éleveur paresseux?

Si oui, c'est peut-être le gars de gauche, mais certainement pas celui de droite!

Au resto, il y a du chien sur le menu. On sait que c'est l'heure du souper lorsque le berger ramène ses chèvres en faisant parader le troupeau devant la terrasse. Les petites clochettes, la canne, les bêlements, les sabots tout y est.


La parade.

Lorsqu'un quatuor de clients commandent le poulet, la propriétaire va le cueillir par les pattes dans la cour, le ramène, le saigne, le déplume et le dépece devant les clients (et devant nous qui prenions le souper sur la table d'à côté). C'est comme ça. Oui bon, c'est comme ça parce que le comptoir, l'évier, la poubelle et la chaudière sont dans un coin à l'enseigne du resto à côté des tables, pas parce que c'est la coutume de faire ça devant les clients.

''Charley, sors el couteau!''.

Pour déplumer rapidement: tremper la bête dans la chaudière bouillante.

À Getu, si on veut manger frais le matin et les midis, on ne doit pas rater le camion à fruits qui descend de Ziyun en fin de journée (à peu près en même temps que l'école finit et que les jeunes rentrent à la maison - j'ai passé beaucoup de temps à observer le rythme des choses dans ce village). Il défile sur la principale portant une voix qui annonce, dans le haut-parleur, les fruits qui sont disponibles ce soir. On s'en sort avec des bananes, du raisin et un kilo de lychee pour 11 kwei. C'est environ 2 piasses.

On dort dans un sympathique endroit, avec des draps propres, une belle terrasse et une toilette turque.

Comment quitte-on un endroit aussi particulier? Oui bon d'accord - là encore s'agirait de dire pour être poétique qu'on ne le quitte jamais vraiment dans son esprit...bla bla bla.

Mais plus concrètement, c'est tout sauf compliqué: tu sors avec ton rucksack, tu t'installes sur le trottoir, tu sirotes ton petit thé tranquille et dans environ ving minutes, tu vas sauter dans le prochain bus qui va te ramener à Ziyun. Pas de besoin de réserver, de courriel de confirmation etc. T'as juste à lever la main. En chemin, pour dire aurevoir, tu peux te retourner vers les cliffs si tu veux.

Je l'ai fait et...ça fait pas mal. La grimpe? On a de jolies photos.

Niché entre les deux pics, Fish Crag
White wall, Pussa Yan et CMDI wall

Avec Getu prenait fin la grimpe en Chine et commençait une visite culturelle, vraiment, mais alors vraiment enrichissante. Prochain billet!

P.s. Vous savez quoi? Il a plu presque tous les jours à Getu. On n'a même pas pu traverser la rivière pour aller dans les arches et on y retournait quand même si c'était à refaire!

mardi 30 juin 2015

...et la grimpe à Yangshuo

On l’aime pour la grimpe Yangshuo. On a même amené notre playmobil grimper l'autre jour.




White Mountain, l'un des plus beaux crags du coin


Y a aussi Moonhill qui est pas mal, vraiment pas mal en fait.






De voir ce grimpeur a donné des envies à notre playmobil.

Nous a demandé si on pouvait lui donner un catch dans l'arche. Pas de trouble qu'on lui a dit. On l'aperçoit ici dans le onsight de Sea of Tranquility.

Malgré la température chaude, humide et pluvieuse, on réussit quand même à aller grimper presqu’à tous les jours. Bien entendu, certains diront (et avec raison) que ce ne sont pas les conditions idéales...mais bon, on y est, autant en profiter!


Wine Bottle cliff. Anne s'y est déboîtée, puis re-boîtée une épaule. Écrit en gros, à la craie, directement devant ses yeux sur le move sur lequel elle s'acharnait, les lettres 'WTF'. Un autre grimpeur est clairement passé par là et y a ressenti les mêmes émotions!


D'habitude on finit avec les photos de chats mais...


celle-là était meilleure.